TÉMOIGNAGE Quand elle avait 14 ans, AmĂ©lie a appris que son pĂšre avait eu des rapports sexuels avec une fille de 17 ans. C’était il y a vingt ans. Son pĂšre a ensuite refait sa vie ChezJabot, Phyllis regarde la photo de Kelly quand Billy entre. Elle lui demande ce que cette photo fait dans le bureau de Jack. Pendant ce temps, dans le bureau de l'Athletic Club, Jack est prĂȘt Ă  aller parler de leur couple Ă  Phyllis, mais Kelly le retient. Avant ça, elle a quelque chose Ă  lui dire. Ellea mentionnĂ© une Ă©poque oĂč ils vivaient en Californie du Sud : "Nous ne voyions jamais de neige. Un NoĂ«l, il a fait des empreintes de traĂźneau et des traces de rennes dans le sable : il a utilisĂ© ses bottes de combat pour faire croire que le PĂšre NoĂ«l Ă©tait passĂ© par lĂ , et il a pilĂ© de la glace Ă  mettre Ă  cĂŽtĂ© des empreintes pour faire croire que de la neige Ă©tait tombĂ©e Noteartistique : Synopsis En 1887, Edith Cushing, une jeune romanciĂšre qui vit avec son pĂšre Ă  Buffalo, dans l’État de New York, est dĂ©chirĂ©e entre l'amour qu'elle porte Ă  son ami d'enfance, le docteur Alan McMichael et son attirance pour le sĂ©duisant Sir Thomas Sharpe. AprĂšs la mort du pĂšre d’Edith, Thomas entraĂźne sa dulcinĂ©e dans sa luxueuse demeure familiale, en Angleterre Fillesoumise baiser par un chien. Ados force sa mere a baiser. Il baise sa copine devant sa mere en français. Fait baiser sa fille. Fille qui se fait violemment baiser dans un train. Jeune fille baise avec papi et mami. Un pĂšre français drogue sa fille pour baiser. Une fille qui se fait baiser par une fille: Fille Nue ForcĂ©e AttachĂ©e. Ekke se fait baiser par ami de son pĂšre. Fille qui .. NaĂŻsMicoulin est un roman Ă©crit par Emile Zola et publiĂ© en 1884. NaĂŻs Micoulin travaille pour la famille Rostand, chaque mois NaĂŻs apporte les rĂ©coltes Ă  ses propriĂ©taires. Son pĂšre est violent, dĂšs lors qu’elle en a l’occasion elle s’en Ă©chappe. La famille Rostand dĂ©cide de passer l’étĂ© dans leur propriĂ©tĂ©, ils e61o. PubliĂ© le 05/11/2013 Ă  0732, Mis Ă  jour le 05/11/2013 Ă  1522 MariĂ©e pendant 22 ans au pĂšre de son premier mari, une femme s'est pourvue mardi en Cassation pour demander la validitĂ© de ce mariage singulier, remis en cause par le premier mari. La dĂ©cision sera rendue le 4 la premiĂšre fois en France qu'un tel dossier est jugĂ© par la Cour de cassation. Mardi, devant la premiĂšre chambre civile de la plus haute instance judiciaire française, Denise, 66 ans, a demandĂ© aux juges de valider son mariage avec Raymond, le pĂšre de son premier mari, son ex-beau-pĂšre. Une union de 22 ans, sans enfant, dont le premier mari a obtenu l'annulation en premiĂšre instance et en deuxiĂšme, en 2011 et 2012. Sur un point de droit clair En ligne directe, le mariage est prohibĂ© entre tous les descendants et ascendants et alliĂ©s dans la mĂȘme ligne», dit l'article 161 du Code disposition de la loi que Denise et Raymond ont toujours dit ignorer, comme le maire du petit village des Alpes-de-Haute-Provence qui avait cĂ©lĂ©brĂ© leur union. Une bonne foi remise en cause dans le premier procĂšs, comme dans le jugement d'appel. La cour a chaque fois refusĂ© de leur donner le bĂ©nĂ©fice du mariage putatif», prĂ©vu par l'article 201 du Code civil quand l'ignorance de la loi par les Ă©poux et leur bonne foi sont reconnues. Un mariage putatif» permet de reconnaĂźtre aux mariĂ©s toute la pĂ©riode de mariage antĂ©rieure Ă  l'action en justice, sans pour autant le rendre valide pour l' est mort en 2005Denise et son premier mari, architecte, se sont unis en 1969. Ils ont une fille, qui a une quarantaine d'annĂ©es aujourd'hui, et divorcent en 1980. En 1983, Denise Ă©pouse son beau-pĂšre, professeur de mĂ©decine, qui, selon l'entourage, s'est occupĂ© de sa petite-fille comme de sa fille - laquelle l'appelle Papou» - depuis la sĂ©paration du couple, pour pallier la dĂ©faillance du fils». Selon Denise, le pĂšre et le fils avaient de mauvaises relations, ce dernier aurait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  deux reprises pour des violences conjugales», affirme l'avocat de Denise, Me Jean-Philippe ne crie Ă  la nullitĂ© des secondes noces jusqu'Ă  ce que Raymond meurt, en 2005. Alors que va donc se poser la question de la succession, le fils de Raymond assigne son ex-Ă©pouse et dĂ©sormais belle-mĂšre devant le tribunal de grande instance de Grasse Alpes-Maritimes pour faire prononcer la nullitĂ© du mariage avec son pĂšre. Le scĂ©nario et la chronologie des faits sont trĂšs clairs, c'est l'hĂ©ritage qui importe Ă  l'ex-mari de ma cliente, analyse Me Duhamel. Mais pour elle, c'est tout le contraire, elle porte aujourd'hui l'affaire devant la Cour de cassation pour qu'on reconnaisse ce qui est avant tout une belle histoire, un mariage d'amour.» Reste que si le mariage est jugĂ© valide, Denise aura au minimum l'usufruit sur tous les biens», dit son avocat. Si l'annulation est prononcĂ©e une troisiĂšme fois, en revanche, elle n'aura aucun droit successoral».C'est un homme et une femme qui se sont aimĂ©s profondĂ©ment, une situation qui n'a jamais Ă©tĂ© taboue», confie la fille de Denise et de son premier mari dans une lettre produite Ă  la Cour de prĂ©sident de la RĂ©publique a pouvoir de dĂ©rogationPrĂȘte Ă  aller devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme CEDH, Denise entend obtenir gain de cause au nom de l'article 12 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme qui garantit la libertĂ© du mariage, prĂ©valant sur la prohibition du Code civil français. En 2005, dans un cas similaire, la CEDH avait condamnĂ© le Royaume-Uni Ă  changer sa loi en estimant que c'Ă©tait une atteinte excessive Ă  la libertĂ© du mariage». Me Duhamel espĂšre que la Cour retiendra aussi l'article 8 de la Convention europĂ©enne qui dĂ©fend le droit Ă  une vie familiale normale».L'avocat gĂ©nĂ©ral LĂ©onard Bernard de la Gatinais a demandĂ© Ă  la Cour de rejeter le pourvoi, jugeant qu'au-delĂ  d'un contexte d'Ă©volutions familiales et des mƓurs incontestable», c'est l'intĂ©rĂȘt de l'enfant qui est au cƓur du sujet» et que l'article 161 le protĂ©geait en lui permettant d'avoir des repĂšres gĂ©nĂ©rationnels et relationnels clairs». L'avocat du premier mari, Bruno Potier de la Varde, a estimĂ© que revenir sur l'annulation du mariage remettrait en cause des rĂšgles que la multiplication des recompositions familiales ne rende que plus nĂ©cessaires».Des arguments jugĂ©s paradoxaux, selon Me Duhamel, au regard de la tendance rĂ©cente du droit de la famille qui a montrĂ© un climat de plus grande libertĂ©. Dans la loi instaurant le mariage pour tous, symbolique de ces assouplissements, le lĂ©gislateur n'avait pourtant pas jugĂ© nĂ©cessaire d'enlever cette prohibition du mariage entre alliĂ©s dans la mĂȘme ligne». En juillet dernier, François Hollandelui-mĂȘme, au nom du mĂȘme article 161, avait rejetĂ© la demande d'Élisabeth Lorentz, 47 ans, et Éric Holder, 44 ans, belle-mĂšre et beau-fils, qui voulaient convoler. Le prĂ©sident de la RĂ©publique a pouvoir de dĂ©rogation en la matiĂšre et le couple lorrain lui avait adressĂ© une lettre. Eux aussi ignoraient ce point de loi. Ils avaient mĂȘme dĂ©jĂ  engagĂ© tous les frais de la noce et postĂ© les 80 faire-part. Pas de quoi attendrir le locataire non mariĂ© de l'ÉlysĂ©e. Nous n'avons aucun lien de sang et les homosexuels, eux, ont bien le droit », confiaient-ils alors au Figaro, dĂ©sabusĂ©s et promettant d'aller devant la Cour de justice europĂ©enne. La dĂ©cision de la Cour de cassation sera rendue le 4 dĂ©cembre. TÉMOIGNAGEQuand elle avait 14 ans, AmĂ©lie a appris que son pĂšre avait eu des rapports sexuels avec une fille de 17 ans. C’était il y a vingt ans. Son pĂšre a ensuite refait sa vie avec cette femme et est toujours avec elle aujourd’hui. Si AmĂ©lie dit avoir acceptĂ© cette relation parce que ce n’était pas une simple aventure, elle se sent toujours abandonnĂ©e. AmĂ©lie explique, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, qu’elle et sa sƓur envisagent alors de couper les ponts avec leur pĂšre." J’avais une bonne famille et puis mon papa a couchĂ© avec une fille de 17 ans. Ils ont 15 ans d’écart. C’est toujours dur dans notre tĂȘte pour ma sƓur et moi. Depuis qu’on est petites, on ne s’entend absolument pas. Rien Ă  voir avec les Ă©carts de notre pĂšre. C’était Ă  la base une aventure puisque nous ne le savions pas. Je l’ai su bien plus tard quand j’avais 14 ans. Ce sont des petits copains qui m’ont dit "Ton pĂšre couche avec Karine". C’est comme ça que je l’ai su. " Je voulais protĂ©ger ma mĂšre "Nous Ă©tions dans le domaine des chevaux. Quand on Ă©tait petites, mon pĂšre a emmenĂ© nos chevaux et cette femme en concours hippique. Je me suis cachĂ©e pour pleurer parce que je le savais, mais je ne voulais pas que ma mĂšre le sache. Quand je rentrais chez ma mĂšre, ça allait beaucoup mieux. Pendant trĂšs longtemps, j’ai Ă©tĂ© au courant de l’aventure de mon pĂšre, mais je voulais protĂ©ger ma mĂšre. Je n’ai pas rĂ©ussi. Avec ma sƓur, on Ă©tait Ă  l’opposĂ©. J’essayais de protĂ©ger les animaux et mon pĂšre aussi quelque part. Elle, elle essayait de protĂ©ger sa vie et de faire autre chose, donc elle s’est rebellĂ©e. Ça a Ă©tĂ© un foutoir terrible. Ma sƓur a fait ses Ă©tudes Ă  Paris. Moi, j’ai essayĂ© de garder quelques chevaux, avec l’aide de mĂšre. Mon pĂšre est parti avec cette nouvelle femme et nous dĂ©nigrait presque. C’est encore trĂšs dur aujourd’hui de se sentir abandonnĂ©e. C’était il y a vingt ans, on a acceptĂ© que notre papa soit parti avec cette femme de 17 ans. La bonne nouvelle, entre guillemets, c’est qu’il est toujours avec cette femme. La seule chose qui me rĂ©jouit, c’est qu’il ne nous a pas fait de mal pour rien puisqu’il est restĂ© avec cette femme, bien qu’elle ait 15 ans de moins que lui. Je l’ai pris comme ça. Ma mĂšre n’a jamais retrouvĂ© personne. Comme mon pĂšre est parti, ma mĂšre nous a assumĂ©es, ce qui n’est pas facile toute seule. On est encore en contact juste pour les anniversaires. Depuis cette annĂ©e, avec ma sƓur, on a envie de couper les ponts, parce que ça peine nos enfants. Ils ne veulent pas y aller, parce qu’ils n’ont pas de contact avec ce grand-pĂšre qui ne parle pas. Depuis le temps qu’il est avec cette femme, j’accepte qu’il l’aime, c’est formidable. Mais par rapport aux petits-enfants, ils sont extrĂȘmement fermĂ©s. Je ne lui en veux pas, mais mon pĂšre a changĂ© de vie. C’est trĂšs difficile pour nous d’y aller, en tant que premiĂšres filles, parce qu’on n’a pas de contact. Nous avons tous, d'une maniĂšre ou d'une autre, fait l'expĂ©rience du pouvoir des sentiments. Qu'il s'agisse d'amour, d'amitiĂ© ou d'autre chose, lorsque le lien entre deux ou plusieurs personnes est trĂšs fort, rien ne peut l'entraver. Un concept qui est particuliĂšrement renforcĂ© lorsque c'est la relation entre des personnes d'Ăąges trĂšs diffĂ©rents qui est en jeu. Les protagonistes de cette histoire le savent trĂšs bien. Une jeune femme de 27 ans et un homme de 51 ans qui, dĂ©fiant tous les prĂ©jugĂ©s, se laissent emporter par leur amour et vivent un beau conte de fĂ©es. Nous vous racontons comment ils se sont rencontrĂ©s et Ă  quel point le sentiment est profond entre eux. Sydney et Paul Dean, originaires de l'Ohio, se sont rencontrĂ©s pour la premiĂšre fois lorsqu'elle avait 11 ans. La fille Ă©tait la petite amie du fils de Paul et visitait rĂ©guliĂšrement sa maison. Avec le temps, la relation entre les deux jeunes s'est Ă©tiolĂ©e, mais Sydney est toujours restĂ© trĂšs proche du garçon, du moins jusqu'Ă  ce qu'il commence Ă  voir une autre fille. À ce moment-lĂ , quelque chose d'insolite s'est produit. Sydney et Paul, l'ancien beau-pĂšre, ont commencĂ© Ă  se parler, Ă  s'entendre et Ă  se voir rĂ©guliĂšrement. Se sentant comme une troisiĂšme roue entre son ex-petit ami et sa nouvelle conquĂȘte, la jeune fille avait cherchĂ© le soutien de l'homme et c'est ainsi qu'est nĂ©e une amitiĂ©, qui s'est lentement transformĂ©e en quelque chose de plus important. En effet, les deux, dĂ©fiant les clichĂ©s liĂ©s Ă  la diffĂ©rence d'Ăąge, ont entamĂ© une histoire d'amour. Un choix que les parents, les amis et les enfants n'ont pas immĂ©diatement acceptĂ©. Comme Sydney l'a racontĂ© "Je n'avais jamais imaginĂ© que je tomberais amoureuse de lui et au dĂ©but, il n'Ă©tait pas facile de faire accepter notre relation Ă  nos proches. Lorsque j'en ai parlĂ© pour la premiĂšre fois Ă  ma mĂšre, elle est restĂ©e sans voix. Elle connaissait Paul, elle savait qu'il Ă©tait beaucoup plus ĂągĂ© que moi et cela la dĂ©rangeait, tout comme cela dĂ©rangeait mon pĂšre", poursuit la femme. "MĂȘme pour mes amis, c'Ă©tait difficile. Ils ne croyaient pas qu'un amour entre deux personnes si Ă©loignĂ©es en Ăąge Ă©tait possible, mais ils ont dĂ» l'accepter et ceux qui n'y arrivaient pas se sont Ă©loignĂ©s de nous". Une belle histoire d'amour Ă  bien des Ă©gards, mais qui a apparemment impliquĂ© un certain renoncement. L'homme de 51 ans a Ă©galement eu quelques problĂšmes Ă  cet Ă©gard, notamment avec son fils qui s'Ă©tait fiancĂ© avec elle Ă  l'adolescence. Pourtant, le couple ne s'est jamais laissĂ© dĂ©courager, leur amour est si fort qu'il ne craint pas les attaques extĂ©rieures et les prĂ©jugĂ©s et continue. Il procĂšde comme un bĂ©lier qui abat tout obstacle pour atteindre son but, si bien que les deux ont dĂ©cidĂ© de se marier. Un conte de fĂ©es moderne qui veut donner de l'espoir Ă  ces couples qui sont influencĂ©s par ce que les autres pensent et qui nous fait croire encore une fois au pouvoir de ce sentiment. Nous savons combien l'amour est aveugle et, lorsqu'il dĂ©cide de frapper Ă  notre porte, nous ne pouvons rien faire d'autre que de l'accueillir et de lui donner l'espace dont il a besoin. Êtes-vous d'accord ? Monia Ben JĂ©mia, Les siestes du grand-pĂšre. RĂ©cit d’inceste dĂ©tail de la couverture du livre On ne peut pas dire que les tĂ©moignages sur l’inceste soient lĂ©gion au Maghreb ; pas davantage en Tunisie oĂč les avancĂ©es pour les droits des femmes ne peuvent ĂȘtre niĂ©es. Aussi, le tĂ©moignage-fiction de Monia Ben JĂ©mia, Les siestes du grand-pĂšre. RĂ©cit d’inceste, est un Ă©vĂ©nement, une rupture d’un silence honteux pour les victimes et complice pour celles et ceux qui ont assistĂ© sans dire. Le titre, Les siestes du grand-pĂšre, pourrait promettre un rĂ©cit d’enfance dans la douceur de la chaleur de l’étĂ© mais est immĂ©diatement brisĂ© par le sous-titre, rĂ©cit d’inceste » dĂ©signant le temps et le lieu du crime contre une petite fille qui nous regarde, figĂ©e, sur la couverture. Le contrat est engagĂ© avec le lecteur qui sait qu’il va lire un tĂ©moignage sur l’indicible, chambre noire pourtant de tant de familles. S’ouvre alors un rĂ©cit d’un peu plus de cent pages sobre et prĂ©cis, sans pathos pour emprisonner le lecteur, un rĂ©cit coup de poing si vous voulez esquiver, mieux vaut refermer tout de suite le livre ! L’exergue dont on sait qu’elle est Ă  la fois blason de l’intention de l’auteure, fronton de l’Ɠuvre et mise en atmosphĂšre, nous installe dans une volontĂ© de dĂ©voilement La possibilitĂ© qu’émerge une rĂ©elle discussion sur l’inceste est neutralisĂ©e car banalisĂ©e ; chacun pense au bout du compte qu’il sait dĂ©jĂ  de quoi il retourne. Dire l’inceste publiquement, quel que soit l’angle d’approche, est immĂ©diatement mĂ©tabolisĂ© par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©, puis transformĂ© et renvoyĂ© au silence, sans questionnement sur ce dont il s’agit ». Cette citation est empruntĂ©e Ă  DorothĂ©e Dussy dans un de ses articles de 2005. Cette date nous met en alerte. Monia Ben JĂ©mia ne surfe pas sur la vague soulevĂ©e par le rĂ©cit de Camille Kouchner, La familia grande. Comme elle le dit dans un entretien donnĂ©e Ă  Jeune Afrique, en fĂ©vrier 2021 J’ai longtemps travaillĂ© ce texte et je l’ai remis Ă  mon Ă©diteur en 2019. À l’époque, le mouvement Me too invitait Ă  libĂ©rer la parole et Ă  dĂ©noncer les abus sexuels mais l’inceste n’était pas Ă©voquĂ©. Au moment d’écrire, j’avais effectuĂ© des recherches et constatĂ© que les Ă©tudes sur ce sujet sont rares et que seules quelques rĂ©fĂ©rences, notamment celles du PNUD sont disponibles. L’agenda de publication de l’éditeur fait que le livre sort aujourd’hui en mĂȘme temps que diverses dĂ©nonciations qui mettent ce sujet au cƓur de l’actualitĂ©. Ces dĂ©marches confluentes et significatives montrent que ce tabou n’est plus tolĂ©rable et qu’il faut en finir avec ce silence qui fait des victimes des coupables. L’omerta n’est plus possible ». Monia Ben JĂ©mia ajoute la recommandation habituelle protĂ©geant les auteurs d’une confusion entre fiction et rĂ©el. Huit parties vont suivre, d’inĂ©gale longueur, formant un acte d’accusation conduit avec efficacitĂ© et intelligence. Dans l’Avant-propos apparaĂźt la protagoniste, NĂ©dra – double Ă  peine voilĂ© de l’auteure – qui se rĂ©veille du long cauchemar qu’elle vit depuis son enfance en apprenant le scandale de Regueb en 2019 d’enfants violĂ©s dans un internat privĂ© religieux. Elle se dĂ©cide alors Ă  raconter l’inceste subi dans son enfance ». Elle doit le faire sortir du fait divers, le faire Ă©chapper Ă  cette Ă©pidĂ©mie de silence ». Un autre dĂ©clencheur la pousse la grave maladie qui peut l’emporter il faut auparavant que les faits soient connus. La dĂ©cision prise n’enclenche pas immĂ©diatement l’écriture car Ă©crire l’inceste est difficile et douloureux pour le sujet incestĂ© mais aussi en raison des retombĂ©es sur son entourage. Celui-ci se dĂ©fend, toutes griffes dehors, et les cas sont connus de victimes de viol devenues coupables, harcelĂ©es et dĂ©boutĂ©es. Mettant un Ă©cran entre son dĂ©sir et le passage Ă  l’acte, NĂ©dra commence par des recherches sur Internet oĂč elle constate que l’inceste est mis en scĂšne sans ĂȘtre condamnĂ©. C’est en poursuivant ses recherches, qu’elle trouve des Ă©tudes qui vont l’accompagner, en particulier de DorothĂ©e Dussy et de Muriel Salmona. ArmĂ©e, elle peut se lancer. Une famille ordinaire donne le tableau prĂ©cis des membres-socle de sa famille et surtout des deux grands-pĂšres, paternel et maternel, tout en opposition Son grand-pĂšre paternel, Mahmoud, Ă©tait bon, gĂ©nĂ©reux et humble. Son grand-pĂšre maternel, Jamel, Ă©tait avare, sĂ©vĂšre et arrogant ». Elle s’attarde sur les caractĂ©ristiques de chacun d’eux et insiste sur la maniĂšre de les nommer alors qu’elle n’a aucun mal Ă  appeler l’un Baba Mahmoud », elle ne peut le faire pour l’autre NĂ©dra n’aimait pas ce Jamel et elle ne pouvait dire Baba Jamel. Elle avait cessĂ© de l’appeler ainsi Ă  l’adolescence. Quand elle parlait de lui, elle disait Ă  sa famille, Bouk Jamel. Et on lui rĂ©pondait invariablement, mais c’est le tien aussi ». Non, il ne l’est pas, il ne le fut jamais ». Elle joue sur l’appellation Ă  la deuxiĂšme personne qui donne en français une qualification peu flatteuse mais juste. Elle y revient dans la quatriĂšme partie lorsqu’elle raconte la sĂ©ance de cinĂ©ma avec sa tante et ce grand-pĂšre pour aller voir Peau d’ñne que celui-ci trouvera immoral
 Pour bien comprendre la perversion de Bouk, le bouc, comme elle dĂ©cide dorĂ©navant de l’appeler
 » Dans ces portraits de famille, elle livre celui de ses parents un pĂšre non conventionnel et aimant ; une mĂšre sĂ©vĂšre, fille et femme de devoir mais trĂšs sociable et ayant beaucoup d’amies, au service constant des siens. NĂ©dra se souvient dans les moindres dĂ©tails de toutes les tĂąches qu’elle accomplissait. Aucun des deux ne verra rien de ce que subit leur fille. Le vieux sous les toits cette fois, NĂ©dra ne recule plus et entame le rĂ©cit de l’inceste aprĂšs cette mise en contexte de ceux qui auraient dĂ» la protĂ©ger La premiĂšre fois c’était la nuit, dans l’appartement de Tunis. NĂ©dra dormait entre lui et sa grand-mĂšre. Il Ă©tend son bras et prend son sexe dans sa main ». Il l’emmĂšne ensuite dans la salle de bains, Ă  proximitĂ© de toutes les femmes de la maison. Puis il a continuĂ© dans la maison au bord de la mer. En contraste avec cette prĂ©dation, la famille se rĂ©unit pour toutes sortes de choses et la gaietĂ© est de mise car la grand-mĂšre rit tout le temps et les rires et les chants des femmes accompagnent sa joie. NĂ©dra se souvient et aprĂšs tous ces souvenirs joyeux, une phrase tombe, sĂšche La maison des grands-parents rĂ©sonnait des musiques des fĂȘtes et du silence de l’inceste. Lumineuse, joyeuse, emplie de musique et des cris de joie des enfants et des you you. Et sombre, effrayante, enfouie dans un Ă©pais silence ; on y entrait par une grande porte vitrĂ©e, protĂ©gĂ©e de fer forgĂ© noir, les barreaux de sa prison ». Alors se prĂ©cisent l’acteur et ses gestes, le lieu et le moment le grand-pĂšre faisait sa toilette, ses ablutions pour sa priĂšre puis il allait Ă  l’étage faire la sieste. Les enfants sont sommĂ©s de faire la sieste avec les femmes. C’est NĂ©dra qui est envoyĂ©e par sa mĂšre pour rĂ©veiller le grand-pĂšre. NĂ©dra se souvient de la montĂ©e des escaliers, des dessins sur les murs, de l’angoisse qui est la sienne les lignes jaunes et noires qui ornaient la cĂ©ramique des murs, devenaient des tentacules de pieuvre ; elles bondissaient sur elle, la poussaient dans l’antre de l’ogre, le vieux sous les toits ». Le lecteur se retrouve face Ă  la petite fille figĂ©e, sidĂ©rĂ©e de la couverture. Le texte dit elle n’a plus de corps, elle est une pierre qui ne sent rien ». Lorsque le vieux redescend dans la salle commune, un geste frappe la petite fille dont elle se demande pourquoi elle ne l’a pas fait les femmes rabattent leur jupe ! NĂ©dra parle de la rĂ©pĂ©tition et de son amnĂ©sie. Les souvenirs ne lui sont revenus qu’à l’ñge de 18 ans. Elle fait des cauchemars et lorsqu’elle est au lycĂ©e, c’est le soulagement, le paradis aprĂšs l’enfer ». Une maladie auto-immune cette partie est presqu’entiĂšrement consacrĂ©e Ă  sa mĂšre, Ă  sa beautĂ© et Ă  son Ă©lĂ©gance ; puis Ă  la maladie qui attaque son corps et la diminue La maladie de sa mĂšre s’est dĂ©clarĂ©e alors qu’elle devait avoir 35 ans. NĂ©dra avait une dizaine d’annĂ©es. Et elle venait de dire non, en prĂ©sence de sa mĂšre, au grand-pĂšre Jamel. Il dit alors Ă  la mĂšre » ta fille est une bonne fille, elle sait dire non ». Sa mĂšre avait-elle alors compris que son propre pĂšre incesta sa fille ? Avec le recul, NĂ©dra pense que oui. Quels ont Ă©tĂ© ses sentiments alors, NĂ©dra ne sait pas. Mais elle a dĂ» enfouir la nouvelle de son enfant incestĂ© par son propre pĂšre, trĂšs loin, au trĂ©fonds de son cƓur et a retournĂ© sa colĂšre contre elle-mĂȘme. L’inceste, c’est tellement sidĂ©rant. A peine le sait-on ou le subit-on qu’immĂ©diatement on est frappĂ© d’amnĂ©sie ». À force d’insistance la jeune tante de NĂ©dra a obtenu que son pĂšre l’emmĂšne au cinĂ©ma et NĂ©dra les accompagne Ă  Carthage On y jouait Peau d’ñne. Il s’assit entre elles deux
 Et Ă  la fin de la projection il leur dit d’un air sĂ©vĂšre que le film Ă©tait immoral, qu’il avait bien raison d’interdire le cinĂ©ma Ă  sa fille et que plus jamais elles n’iraient. Peau d’ñne, un conte sur l’inceste. NĂ©dra a oubliĂ© le film. Elle dĂ©cide de le revoir. Longtemps, elle avait fait un cauchemar avec des doigts qui tombent, sectionnĂ©s d’un coup de bistouri. Et elle ne savait pas alors que ce n’était que l’une des scĂšnes de Peau d’ñne qui resta imprimĂ©e dans sa mĂ©moire ». Les cadeaux empoisonnĂ©s l’amour de l’école, l’amour des livres permettent Ă  NĂ©dra de tenir Ă  distance la pieuvre car elle Ă©tait l’inceste ; cette chose immonde, sale, honteuse c’était elle. Gluante, enserrĂ©e dans les bras d’une pieuvre, dont les ventouses Ă©taient sa prison ». Comment dire l’inceste en tunisien ? en arabe littĂ©raire ? en français ? Elle sait aujourd’hui que lĂ  n’était pas la raison. L’inceste est indicible. Il faut le temps que les Ă©pais murs du silence cĂšdent par eux-mĂȘmes. De vĂ©tustĂ© ». Elle vit de nombreuses difficultĂ©s, tente des suicides, essaie de se confier mĂȘme les psys ne l’écoutent pas, ne veulent pas entendre et lui prescrivent des anxiolytiques. C’est l’omerta du silence et la NĂ©dra, adulte, en train d’écrire enfin, fait mĂȘme le lien entre cette omerta et la violence de la sociĂ©tĂ© Elle se dit mĂȘme parfois que si la Tunisie avait eu l’un des plus importants contingents de jeunes ayant rejoint Daesch en Syrie ou ailleurs, c’est probablement en raison d’agressions sexuelles qu’ils auraient subies, enfants ». La conclusion de ce chapitre est sans appel L’enfant agressĂ© sexuellement a l’esprit colonisĂ© par l’agresseur. [
] On devient une proie facile pour les prĂ©dateurs [
] Les rapports aux hommes se rĂ©duisent au sexe ». Ma jolie, quand les coups du sort t’atteindront Pour ses Ă©tudes supĂ©rieures, NĂ©dra a quittĂ© Tunis pour Paris. Elle y trouve une libĂ©ration. Elle Ă©voque avec bonheur la transformation des Tunisiennes entre 1960 et 1980. Mais la pieuvre Ă©tait lĂ  en sentinelle qui la paralyse lors d’un exposĂ©. Elle replonge dans son malaise existentiel profond. Personne n’a rien vu. D’avoir Ă©tĂ© l’objet sexuel du grand-pĂšre jusqu’à ses dix ans a dĂ©truit NĂ©dra. MĂȘme mort, ce grand-pĂšre la hante. Elle arrive alors Ă  affronter le sens du mot pĂ©dophile le pĂ©dophile, dit-on, est un adulte qui aime les enfants. En fait ce n’est pas de l’amour qu’il Ă©prouve mais un pouvoir qu’il exerce sur l’enfant. Elle peut alors complĂ©ter le portrait du grand-pĂšre qu’elle avait laissĂ© inachevĂ© au dĂ©but Il leur intima Ă  tous le silence et tous se turent. Il leur fit croire qu’il Ă©tait le grand-pĂšre, doux, tendre, aimant avec ses petits-enfants et ils le crurent. Il colonisa l’esprit de tous. Jamel, ce mal nommĂ© ». Comme une peau qu’on arrache, le bouc m’avait dĂ©lestĂ© de mon identitĂ©. Et couverte d’une peau d’ñne
 » Postface. AprĂšs la mort de NĂ©dra, nous retrouvons la voix de la narratrice NĂ©dra a eu le temps de voir s’amplifier en Tunisie EnaZeda, dans le sillage de MeToo. Elle a vu se multiplier les tĂ©moignages d’agressions sexuelles sur Facebook qui sont tous anonymes. Elle a aussi trouvĂ© des Ă©tudes scientifiques qui montrent les traces que ces agressions laissent sur le cerveau et la transmission qui s’opĂšre mais ces changements Ă©pigĂ©nĂ©tiques sont rĂ©versibles ». D’oĂč sa phrase finale Un seul antidote au poison inceste et Ă  toutes les autres agressions sexuelles dire. Ne plus se taire ». Ce rĂ©cit marque une rupture certaine et, en lui-mĂȘme, il est un Ă©vĂ©nement. Il l’est d’autant plus qu’il Ă©mane d’une personnalitĂ© connue et respectĂ©e en Tunisie. Voici comment le quotidien La Presse Ă  Tunis la prĂ©sentait Monia Ben JĂ©mia, juriste, fĂ©ministe, engagĂ©e dans la lutte farouche pour les droits des femmes en Tunisie au sein de l’Association tunisienne des femmes dĂ©mocrate ATFD, est l’autrice de ce livre saisissant ». À la question que la journaliste de La Presse lui pose sur le genre adoptĂ© — une fiction plutĂŽt qu’un rĂ©cit autobiographique — Monia Ben JĂ©mia rĂ©pond que ce rĂ©cit est celui de NĂ©dra. Et effectivement, NĂ©dra, c’est moi je m’y suis identifiĂ©e Ă©normĂ©ment. Je ne sais pas si les lecteurs et lectrices l’ont facilement repĂ©rĂ©, mais Ă  un moment, pendant le rĂ©cit, on passe de la troisiĂšme personne Ă  la premiĂšre personne du singulier. Et c’était un peu une maniĂšre de dire que c’était aussi mon histoire. Ce rĂ©cit est entre rĂ©el et fiction ». C’est mentionnĂ© en 4e de couverture. J’ai Ă©tĂ© trĂšs touchĂ©e, Ă  la publication du livre, de recevoir de trĂšs nombreux messages pour me dire NĂ©dra, c’est aussi moi » de trĂšs nombreuses femmes s’y sont identifiĂ©es. Je me suis Ă©videmment inspirĂ©e de rĂ©cits, d’histoires et de faits divers Ă  des fins narratives ». * ** Ce choix d’un rĂ©cit Ă  mi-chemin de la fiction et du tĂ©moignage personnel, dans le dĂ©sert de ce type de livres au Maghreb dĂ©cuple, Ă  mon sens, sa portĂ©e. Car s’il est un cas prĂ©cis, il est gĂ©nĂ©ralisable Ă  de nombreuses autres expĂ©riences. La proximitĂ© assumĂ©e entre l’inceste subi et l’auteure lui donne son poids de justesse et de vĂ©ritĂ© auquel la lecture ne peut Ă©chapper. Certaines fictions ont installĂ©, souvent par allusions dissĂ©minĂ©es, une atmosphĂšre incestueuse dans leur parcours narratif. Il serait intĂ©ressant d’en faire l’étude et l’interprĂ©tation ; mesurer aussi ce qu’elles apportent Ă  la sortie du silence rĂ©clamĂ© par Monia Ben JĂ©mia. Je privilĂ©gierai, pour ma part, deux fictions qui n’ont pas reculĂ© devant le dĂ©voilement, l’une en 2001, Cette fille-lĂ  de MaĂŻssa Bey et l’autre, rĂ©cemment dans sa traduction française, Un jour idĂ©al pour mourir de Samir Kacimi en 2020. Il y a vingt ans, la romanciĂšre algĂ©rienne condensait en une Ă©criture-scalpel, les chemins des calvaires de femmes qui se racontent Ă  l’une d’entre elles qui transcrit leur histoire. Elles sont garĂ©es » dans un mouroir-rebut. La narratrice, Malika, raconte ce qu’elle a subi et a fait d’elle une femme Ă  FIC Forte instabilitĂ© caractĂ©rielle. AbandonnĂ©e bĂ©bĂ© par sa mĂšre, elle a Ă©tĂ© trouvĂ©e par deux hommes et l’un d’eux l’a ramenĂ©e dans sa famille. Mais Ă  sa pubertĂ©, le pĂšre adoptif s’est transformĂ© en prĂ©dateur violent et elle a fui, sans moyen et sans but car la vie n’est pas un conte comme dans Peau d’ñne
 On se souvient de l’histoire et de tous les subterfuges pour Ă©chapper Ă  la libido dĂ©chaĂźnĂ©e du pĂšre Le pauvre Ăąne fut sacrifiĂ© et la peau galamment apportĂ©e Ă  l’infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d’éluder son malheur, s’allait dĂ©sespĂ©rer lorsque sa marraine accourut. Enveloppez-vous de cette peau, sortez de ce palais, et allez tant que la terre pourra vous porter. L’infante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas l’abandonner, s’affubla de cette vilaine peau, aprĂšs s’ĂȘtre barbouillĂ©e de suie de cheminĂ©e, et sortit de ce riche palais sans ĂȘtre reconnue de personne. Pendant ce temps, l’infante cheminait. Elle alla bien loin, bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place jusqu’à ce qu’elle soit acceptĂ©e dans la mĂ©tairie d’un roi qui cherchait un souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l’auge des cochons. Peau d’Âne devient le souffre-douleur de toute la ferme, et elle supporte toutes les humiliations ». L’adolescente, Malika, a Ă©tĂ© rattrapĂ©e et accusĂ©e par la mĂšre. Il faut lire l’entiĂšretĂ© du rĂ©cit de l’acte incestueux Elle sait confusĂ©ment qu’elle vient de se dĂ©pouiller d’une grande partie d’elle-mĂȘme, plus sombre encore que les tĂ©nĂšbres qui protĂšgent sa fuite, plus douloureuse que ce froid qui revivifie son corps souillĂ©, quelque chose qui gĂźt lĂ -bas, dans la maison dĂ©jĂ  loin derriĂšre elle ». La peur de l’autre de cet homme qui ne voulait plus ĂȘtre son pĂšre plus malfaisant que les djinns dont elle a cru sentir le souffle tout proche ». Un jour idĂ©al pour mourir dĂ©tail couverture du livre Dans Un jour idĂ©al pour mourir, le rĂ©cit de l’inceste survient au dĂ©tour d’un des portraits de personnages secondaires qui forment galerie autour du protagoniste. Celui-ci a dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă  ses jours en se jetant du haut d’un immeuble et il consacre les dix secondes de sa chute Ă  voir dĂ©filer sa vie. Ce personnage secondaire est Nissa Bouttous, affublĂ©e de ce surnom depuis le collĂšge dont la mĂšre d’Omar Tounba lui rappelle l’origine pour l’éloigner de cette traĂźnĂ©e » Un jour quelqu’un lui a demandĂ© quel homme elle prĂ©fĂ©rait et elle a le toupet de rĂ©pondre Je n’en prĂ©fĂšre aucun, je suis bouttous . Elle avait voulu parler en français et dire qu’elle Ă©tait pour tous » mais elle n’a pas su le prononcer correctement et le surnom est restĂ© ». Bien aprĂšs, le protagoniste-narrateur livre au lecteur l’histoire de Nissa dont le passĂ© semblait avancer vers elle en permanence » 1 du chapitre 1bis petite fille, elle avait Ă©tĂ© cueillie et dĂ©florĂ©e par un prĂ©dateur et sa flamme s’était Ă©teinte » Elle avait longtemps luttĂ© pour oublier la source de sa douleur, elle avait essayĂ© de se tourner vers l’avenir, mais elle se retrouvait chaque fois enchaĂźnĂ©e Ă  son passĂ© nausĂ©abond, maudite par un corps qu’elle n’avait pas choisi et qui l’avait sortie de l’innocence du jeu pour la faire entrer dans la perversitĂ©, cette injure Ă  l’enfance ». Orpheline de pĂšre, Nissa s’est cherchĂ©e un pĂšre de substitution qu’elle a cru trouver dans son maĂźtre d’école qui a fait d’elle son objet sexuel, en une progression de prise en mains dont elle ne s’est pas mĂ©fiĂ©e. Le rĂ©cit en est saisissant comme tout le roman, par ailleurs. Ces deux fictions font partie des Ɠuvres algĂ©riennes Ă  lire absolument. Les deux cas d’inceste racontĂ©s sont survenus dans un milieu dĂ©favorisĂ© et oĂč le prĂ©dateur n’a pas de lien de sang avec la victime. Il s’agit chaque fois d’un pĂšre de substitution et d’une observation sociologique de l’écrivain et non du tĂ©moignage d’un vĂ©cu personnel. Cela n’enlĂšve rien Ă  la force de l’écriture de la scĂšne incestueuse mais attĂ©nue son impact sur le lecteur. Dans ces deux cas, on retrouve l’affirmation de Monia Ben JĂ©mia pour les filles incestĂ©es, les rapports aux hommes se rĂ©duisent au sexe ». * ** Un des dĂ©clencheurs du rĂ©cit-dĂ©voilement de l’écrivaine tunisienne a Ă©tĂ©, nous l’avons dit, le scandale de Regueb en 2019, d’enfants violentĂ©s sexuellement dans un internat religieux. Dans les fictions que nous venons d’évoquer le tĂ©lescopage sexe/religion est frĂ©quent. Des rĂ©cits d’auteurs amĂ©rindiens du QuĂ©bec sont revenus sur les rapts d’enfants, enlevĂ©s Ă  leur famille et Ă©levĂ©s dans des internats religieux oĂč non seulement leurs formateurs » se sont acharnĂ©s Ă  les priver de leur indianitĂ© mais ont abusĂ© d’eux sexuellement, les brisant Ă  jamais dans leur vie. Pour n’en citer qu’un, Jeu blanc de Richard Wagamese 1955-2017, est inoubliable. Mais je voudrais Ă©voquer, pour finir, le livre tout rĂ©cent de Loumitea, Un chemin de femme mĂ©decine. Du don Ă  l’apprentissage qui donne une place Ă  l’inceste au sein de la famille. Son objectif est de faire mieux comprendre le chamanisme et son ancrage profond dans les cultures des Peuples premiers au QuĂ©bec. ComposĂ© de 13 chapitres, il consacre le chapitre 6, sous le titre Ă©vocateur de Ta petite femme », Ă  cette pratique prĂ©datrice de l’inceste. La narratrice rappelle tout d’abord les rapports difficiles avec sa mĂšre dont l’éducation Ă©tait faite d’interdits et de contraintes parce qu’elle Ă©tait une fille. Elle est remontĂ©e dans son enfance et a fait resurgir des scĂšnes et des gestes qu’elle avait enfouis, venant de son pĂšre ou d’autres hommes. Dans l’anecdote qu’elle choisit, sa mĂšre pourtant est celle qui mettra un terme Ă  cette prĂ©dation en faisant partir un ami de la famille mais sans aucune dĂ©nonciation publique. Loumitea affirme que le voyage chamanique lui a permis d’éroder l’aspect destructeur qu’ont provoquĂ© ces gestes sur son corps de petite fille Le fait d’avoir Ă©tĂ© abusĂ©e sexuellement pendant l’enfance laisse des traces profondes qui, pour la plupart, ne semblent pas liĂ©es Ă  un tel traumatisme. J’ai su les reconnaĂźtre chez moi et m’en occuper pour les vider de leur pouvoir. [
] Ce sont des blessures honteuses que l’inconscient recouvre de plusieurs couches ». AprĂšs avoir fait des recherches sur la question avec son compagnon, elle a Ă©crit un article coup de poing qu’aucun pĂ©riodique n’a acceptĂ© il y a quelques annĂ©es car ce n’était pas un sujet Ă  dĂ©voiler Le QuĂ©bec est difficile Ă  Ă©veiller Ă  cet Ă©gard. Selon les dires de plusieurs intervenants interviewĂ©s pour mon article, environ 80% des QuĂ©bĂ©cois, hommes ou femmes indistinctement auraient Ă©tĂ© abusĂ©s au cours de leur enfance ou de leur adolescence. [
] Dans 95% des cas, une femme abusĂ©e placera ses enfants en situation d’ĂȘtre abusĂ©s. Un homme qui a vĂ©cu ce traumatisme le reproduira dans 80% des cas lui-mĂȘme, avec ses propres enfants ou avec d’autres enfants. Cette misĂšre Ă©motionnelle peut persister pendant plusieurs gĂ©nĂ©rations ». Tout ce chapitre est trĂšs intĂ©ressant Ă  lire car il fait alterner rĂ©cits de faits et rĂ©flexions plus gĂ©nĂ©rales sur cet acte. La lecture ouvre la voie pour regarder et voir ce qui est si difficile Ă  accepter. Il semble bien qu’aucune sociĂ©tĂ© ni aucun milieu n’y Ă©chappe. Une fois de plus, la littĂ©rature est une mĂ©diatrice de luciditĂ©, premier pas vers la dĂ©nonciation. Monia Ben JĂ©mia, Les Siestes du grand-pĂšre, RĂ©cit d’inceste, Tunis, CĂ©rĂšs Ă©ditions, 2021, 102 p., 15 DT MaĂŻssa Bey, Cette fille-lĂ , Ă©ditions de l’Aube, octobre 2016 2001, 181 p., 9 € 80 Samir Kacimi, Un jour idĂ©al pour mourir, Actes Sud, octobre 2020, 128 p., 15 € — Lire un extrait Loumitea, Un chemin de femme mĂ©decine. Du don Ă  l’apprentissage, Ă©ditions VĂ©ga, janvier 2021, 256 p., 19 €

elle fait l amour avec son pere